La liberté à l'œuvre

par Pierre Wat

31 mai 2018

La liberté à l’œuvre Cette liberté à l’oeuvre dans les toiles récentes de Marie-Claude Bugeaud, cette façon de donner la sensation que les formes qui sont là, formes dansantes, formes agissantes, formes désirantes, sont mues par une vitalité que l’artiste a su activer sans jamais la contraindre, est le fruit d’un parcours existentiel. Celui d’une femme pour qui devenir peintre fut long chemin de désentravement. Car, souvenons-nous de cela au moment où l’on commémore la fin des années 1960 comme un moment de liberté, il n’était pas facile de devenir artiste en étant femme, dans ce monde d’hommes qu’était alors, presque exclusivement, le monde de l’art dans lequel Marie-Claude Bugeaud fit ses premiers pas de peintre. Il a fallu faire des choix, il a fallu renoncer à des choses, et persister, surtout, dans ce désir de ne faire que cela qui habite les véritables artistes. Marie-Claude Bugeaud aurait pu, on le lui proposa, faire carrière ailleurs.

Elle aurait pu, aussi, renoncer à bien des aspects de la vie, au profit du travail dans l’atelier – combien d’artistes femmes de la génération précédente n’ont pas eu d’enfants afin d’être peintres ? Elle aurait pu se taire,aussi, plutôt que de choisir l’engagement politique. Elle aurait pu… mais elle fit autrement, et c’est de ce refus de renoncer (Lacan disait, comme une injonction éthique : « Ne pas céder sur son désir ») que son travail porte, magnifiquement, la marque. Non pas littéralement, l’artiste préférant l’allusion au récit, le tremblement vif de l’hésitation au figé des choses trop affirmées. Regarder le travail de Marie-Claude Bugeaud aujourd’hui, c’est prendre la mesure de cette liberté. Se confronter à une économie de moyens qui conjugue choix éthique et allégement de la peinture. Soudain son attention se fixe sur un objet du quotidien rencontré dans un coin de l’atelier. Alors quelques traits se font provisoirement, robe ou pluie, puis se défont. Quelque chose est vivant. Vivant et libre.